Interview Robert Fred – Lélixire #1

Comment êtes vous arrivé à l’écriture et à la poésie?

Une rupture.

C’est dans une vieille tour du XIIe siècle appartenant à mes parents que j’ai écrit mon premier poème. J’y étais venu pour regarder le feu, et déguster un bon bourgogne. Cela m’a pris d’un coup. Je l’ai écrit à la gloire de cette vieille tour où j’ai passé parmi les meilleurs moments de mon enfance. Je l’ai relu, et j’ai compris ce que j’allais faire.

 

« Lorsque l’écriture devient simple, elle s’ouvre vers le vivant, l’existence de l’autre et la connaissance de soi ».

 

Pour vous, qu’est ce que la poésie?

L’écriture, la simplicité, le vivant.

Je pense que le travail en poésie, passant par l’étude et de nombreuses acrobaties phoniques, beaucoup de patience et de persévérance, a pour aboutissement la simplicité, l’évidence, qui s’acquiert avec la pratique et le temps.

Lorsque l’écriture devient simple, elle s’ouvre vers le vivant, l’existence de l’autre et la connaissance de soi.

Les exigences techniques de la poésie sont l’euphonie, l’harmonie, le rythme et la rigueur. Sa substance profonde est l’expression du vivant : sentiments, émotions, couleurs, qui traversent la pratique de l’écriture, pour mener à la communion du vivant, comme lors d’une danse.

 

« La poésie est une dynamique »

 

Considérez-vous que la poésie est en danger, qu’elle n’est pas assez représentée ?

Elle est immobilisée.

Par deux pôles : l’argent d’un côté, et la peur de l’autre.

L’argent, qui la relègue au parent pauvre dans le commerce, et la déteste dans son incapacité à céder au paraître.

La peur parfois, dans une langue française qui est sur la défensive, et a tendance à se réfugier dans son passé. Par exemple les onzains, ressuscités pour consolider une carapace, alors qu’avec l’espagnol, enrichi par l’Amérique du Sud, ou aux États-Unis, avec la diversité de racines, un creuset de styles nouveaux jaillit vers ce qui est la dynamique vivante du langage: la découverte.

 

Quels sont les poètes qui vous touchent, qui vous ont amené à la poésie ?

Victor Hugo, Charles Baudelaire, Omar Khayyâm, Frederico Garcia Lorca, Fernando Pessoa, Blaise Cendrars, Rainer Maria Rilke.

 

Un poème en particulier?

Demain dès l’aube de Victor Hugo, une lumière dans mon adolescence. Comme un chevreuil de Ronsard. C’était le poème que récitait mon grand-père.

Et un quatrain de la Ballade des pendus, de François Villon. Le seul que je connaisse par coeur:

Frères humains qui après nous vivez

N’ayez les coeurs contre nous endurcis

Car si pitié de nous pauvres avez

Dieu en aura plutôt de vous merci

 

Qu’est ce qui vous aide à écrire?

L’allance. La poésie est une dynamique.

Aller, où que ce soit, éveille mon organisme et stimule mes récepteurs. C’est dans l’allance que je me libère et compose des fusées.

 

Quels sont les principaux thèmes que vous abordez à travers votre écriture ? Pourquoi?

C’est la plus difficile question.

C’est un sentiment profond, une inspiration, qui se matérialise dans la composition. Chaque fois que j’essaie de l’expliquer, je tombe dans des méandres et je m’assèche.

En quelques mots peut-être, qui semblent avec les temps coller au plus près : la fenêtre, lumière qui nous libère de la condition de mortel.

Pourquoi? Je ne sais pas. Parce que.

 

Si vous deviez choisir un seul de vos recueils…? Pourquoi?

Tempête.

Il raconte une rencontre avec la mer, et un retour vers la terre. Je l’ai composé sur la Mer des Caraïbes, il m’est très cher.

 

Des projets d’écriture en cours?

Plusieurs. Beaucoup de fusées fermentent dans ma besace, quelques recueils sont prêts sur la fenêtre. En particulier un que j’aimerais beaucoup publier avec les Editions

Robin et un dialogue avec une photographe suisse : Anthy Ioannides.

 

Une question à poser , une réflexion pour le monde?

Où sont les nations humaines? Îlots d’ego dans une manche de magnat? Regards nouveaux nés sur les champs pacifiés de la Terre?

Après la belle au bois dormant, la forêt de ronce de la finance. Après Athènes, le bien commun contre les conglomérats. Les prochains chevaliers, les prochains encyclopédistes. La prochaine révolution?

 

Un dernier mot?

Aimer, sinon c’est faux.

Ce post a 0 Commentaire

Laisser un commentaire