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Les poèmes gagnants du Prix de la Poésie 2012 (Guy VIEILFAULT)

Poèmes N°1

FAVELAS

La ville s’assoupit et le seins soulevés
Des collines sans nom allaitent le silence.
Quelques part, dans la nuit, comme une fulgurance
Un cri s’élève et meurt, appel inachevé,
Râle d’une agonie ou de pauvre jouissance.

Naufragés des taudis, à l’heure où le sang bat
Dans le déhanchement de noires bacchanales,
Des marins de sueur à l’arrogance mâle
Cueillent à pleines mains au rythme des sambas
Les croupes ondulant d’aphrodites vénales.

Dans ces jeux de l’amour où les bandit-manchots
Pour vingt dollars froissés dans la main qui transpire
Ouvrent la fille offerte, avide tirelire,
On ne sait qui se perd, Carlota ou Sancho,
Quand l’aube ensommeillée dans le brouillard s’étire.

Comment peut-on aimer, dis-moi par quel credo
Insensé balisant ce chemin de détresse
Peut-on quérir en l’autre, inaudible déesse
D’un Olympe embrassé par le Corcovado,
Les éthers frelatés d’une infinie tristesse?

Des favelas de suie on devine, incertains,
Des corps se mélangeant ainsi que des racines
Dans l’humus d’un délire où l’âme s’hallucine.
Et quand s’évanouit la ronde des putains
La cité ouvre un oeil en l’aurore assassine.

 

Poème N°2

LA DERAVIE

Je cesserai un jour, peut être,
Dans des poèmes à deux sous
De te chanter à la fenêtre
Pareille à rose qui va naître,
Eclose nue de tes dessous.

Triste Pierrot devenu mime
J’oublierai nos Pont Mirabeau,
Les coeurs gravés de Patronymes
Dont on s’émerveillait qu’ils riment,
Et nos péniches paquebots

Qui racontaient des mers lointaines
(Amarrées près du quai Branly)
Aux brises mouvant leurs antennes.
Mais si jamais fus capitaine
C’est des grand-voiles de ton lit.

Si tu me vois, sur page blanche,
Plume levée, ne sachant plus
Malgré la lune qui s’épanche
Louer la courbe de tes hanches
Par ces mots bleus qui trop t’ont plu,

C’est que, vois-tu tendre cavale
Aux lèvres tremblant sur le mors,
Le temps n’est plus des saturnales.
Le vent d’automne qui dévale
Te le dira: l’amour est mort.

 

Ce post a 3 Commentaires

  1. ce texte est un petit bijou !!!

  2. Rouyer dit :

    Bravo Guy!
    C’est beau, c’est poétique.
    Ton râle descriptif des amours vite venus vite partis des favelas laisse songeur.
    Ton texte d’amoureux (la déravie) est lui aussi porteur d’une harmonie. Pourquoi ce titre d’ailleurs?
    Jean-Eric

  3. Carmen P; dit :

    Je félicite les membres du jury pour leurs choix.
    Depuis peu je participe à quelques concours et je suis, à chaque fois, surprise par les poèmes primés.
    Carmen P.

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